L'église de Saint-Martin-aux-Bois : un exemple unique et inaltéré du style “gothique rayonnant austère et modeste”
A partir de 1240, l'expansion de l'art gothique rayonnant montre la variété des possibilités d'emploi de ce style sous une forme austère et modeste dans les abbayes cisterciennes et augustiniennes.
Si on use de la liberté de se choisir un architecte, on s'emploie à respecter l'ordre hiérarchique (établi par le Roi) ; on limite les raffinements tout en cherchant à se définir une personnalité propre mais sans ostentation. L'édifice s'insère dans un nouveau courant de l'architecture monastique : sobriété et sévérité du traitement des volumes et des surfaces murales sont de rigueur. Jean Bony souligne que la collégiale de Saint-Martin-aux-Bois est le plus important témoignage monumental conservé du “sévère style simplifié“ des ordres monastiques. Il semble qu'elle soit comme une réplique à sa contemporaine royale et luxueuse : la Saint-Chapelle de Paris.
A la sobriété des formes, à la priorité donnée à la lumière s'ajoute la robustesse de la statique et une exécution extrêmement soignée de la construction : les toits des bas-côtés étaient couverts de dalles de pierre faiblement inclinées et disposées de manière à ne laisser passer aucune humidité. L'eau de pluie du grand toit est rassemblée dans un large cheneau, au dessus de la corniche du couronnement, puis elle est amenée jusqu'aux gargouilles par des conduites percées dans les murs et les contreforts du polygone ; dans les travées droites du chœur ces conduites passent par les arcs-boutants. “Cela fait pitié de voir dans quel état se trouve aujourd'hui, par négligence, cet édifice si parfait dans sa conception statique et dans sa réalisation” (écrit en 1990).
Très particulière est aussi la qualité des murs de la haute nef soulignée par les quadrilobes découpés dans les murs fins au niveau généralement occupé par le Triforium. L'harmonieuse continuité de ces surfaces murales plates ici combinées avec un puissant élan vertical à la fois dans la proportion des volumes et dans la forme et la hauteur des fenêtres nous offre une alternative singulière à l'ajourage linéaire du style rayonnant classique
L'architecture de l'abside étonne par son extraordinaire élan, l'immensité de ses fenêtres et la maigreur des supports : bâtie comme une cage de verre, elle semble porter la voûte sur de minces quilles. Les baies sont hautes de 20,5 m., plus élevées que celles de l'abside de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais ; elles sont étrésillonnées en leur milieu par un meneau transversal à mi-hauteur des fenêtres ce qui est une première et un cas unique dans l'architecture gothique française. Ce type d'abside vitrée demeure sans équivalent au XIII°siècle.
Cette lettre est destinée à nous permettre de prendre conscience de la valeur inestimable de l'église abbatiale de Saint-Martin-aux-Bois. Elle se limite à l'architecture du bâtiment et n'offre qu'une toute petite partie de la description de l'édifice. Une autre lettre consacrée aux vitraux est en préparation. J'ai pu écrire celle-ci en m'appuyant sur les ouvrages suivants que vous pouvez consulter sur place dans la bibliothèque de notre association (Ph. Stœckel) : [1] Ile de France Gothique, M. Bideault & C. Lautier, tome 1, Picard, 1987 [2] French Gothic Architecture of the 12th & 13th Centuries, Jean Bony, UofC Berkeley, 1983 [3] L'architecture gothique en France 1130-1270, D. Kimpel & R. Suckale,Flammarion, 1990